La société féodale - Marc Bloch by Histoire du Moyen Âge

La société féodale - Marc Bloch by Histoire du Moyen Âge

Auteur:Histoire du Moyen Âge [Âge, Histoire du Moyen]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire, x_a lire
Éditeur: Anachorète
Publié: 2014-01-03T23:00:00+00:00


CHAPITRE II

Servitude et liberté

I. Le point de départ : les conditions personnelles à l’époque franque

Imaginons, dans l’État franc – auquel, provisoirement, nous bornerons nos regards – et vers le début du IXe siècle, un personnage qui, en présence d’une foule humaine, s’efforce d’y discerner les diverses conditions juridiques : haut fonctionnaire du Palais en mission dans les provinces, prélat dénombrant ses ouailles, seigneur occupé à recenser ses sujets. La scène n’a rien de fictif. Nous connaissons plus d’une tentative de cette sorte. L’impression qu’elles donnent est celle de beaucoup d’hésitations et de divergences. Dans la même région, à des dates voisines, on ne voit presque jamais deux censiers seigneuriaux user de critères semblables. Visiblement, aux hommes mêmes du temps, la structure de la société où ils vivaient n’apparaissait pas avec des lignes bien claires. C’était que des systèmes de classification très différents s’entrecroisaient. Les uns, empruntant leur terminologie aux traditions, elles-mêmes discordantes, tantôt de Rome, tantôt de la Germanie, ne s’adaptaient plus que très imparfaitement au présent ; les autres s’essayaient de leur mieux à exprimer la réalité et ne le faisaient pas sans gaucherie.

A la vérité, une opposition primordiale s’offrait, très simple dans ses termes : d’un côté les hommes libres, de l’autre les esclaves (en latin servi). Sous réserve des atténuations apportées à la dureté des principes par ce qui pouvait survivre encore de la législation humanitaire des empereurs romains, par l’esprit du christianisme et par les inévitables transactions de la vie quotidienne, les servi demeuraient, en droit, la chose d’un maître, qui disposait souverainement de son corps, de son travail et de ses biens. Par là, dépourvu de personnalité propre, il fait, en marge du peuple, figure d’étranger-né. Il n’est point convoqué à l’ost royal. Il ne siège point aux assemblées judiciaires, ne peut y porter directement ses plaintes et n’en est justiciable qu’au cas où, ayant commis envers un tiers une faute grave, il se voit livrer à la vindicte publique par son maître. Que seuls les hommes libres, indépendamment, d’ailleurs, de toute distinction ethnique, aient composé le populus Francorum, la preuve en est la synonymie qui finalement s’établit entre le nom national et la qualité juridique : « libre » ou « franc », les deux mots devinrent interchangeables.

A y regarder de près cependant, cette antithèse, en apparence si nette, ne donnait de la vivante diversité des conditions qu’une image bien inexacte. Parmi les esclaves mêmes – en nombre d’ailleurs relativement faible –, les modes d’existence avaient introduit des différences profondes. Un certain nombre d’entre eux, employés tantôt aux bas services domestiques, tantôt aux travaux des champs, étaient nourris dans la maison du maître ou sur ses fermes. Ceux-là demeuraient réduits au sort d’un véritable cheptel humain, officiellement rangé parmi les biens meubles. L’esclave tenancier, par contre, avait son chez soi ; il subsistait du produit de son propre labeur ; rien ne lui interdisait, le cas échéant, de vendre, à son profit, le surplus de sa récolte ; il ne dépendait plus directement, pour son entretien, de son maître et la main de celui-ci ne l’atteignait qu’occasionnellement.



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